jeudi 24 mai 2018

24 mai


Un suave parfum accueille Binh-Dû alors qu’il passe le seuil séparant la chambre de la cuisine. On dirait que des fleurs ont poussé chez lui durant la nuit mais rien de tel sur l’inox ni sur les tommettes, pas plus que dans les placards. Il va humer l’air de la cour sur le balcon (nulle jardinière, c’est entendu), les arbustes ne répandent que leurs couleurs. Il retourne dans la cuisine, suit plus résolument son nez et se retrouve à genoux devant la poubelle. Quel arrangement subtil mêlant peau de banane pourrie, graines de tomates, noyau d’avocat, citron éreinté, pelure d’échalote... N’en jetez plus, la coupe est pleine !
De retour dans la chambre, il ferme les rideaux pour éviter l’éblouissement du soleil, bientôt les volets contre la chaleur, puis la fenêtre contre le bruit. Ce sera une journée de travail à ne pas mettre davantage le nez dehors qu’il ne vient de le faire. Dans sa chambre l’attend un monde aseptisé parfaitement ordonné sur son écran d’ordinateur. À l’extérieur on ne sait jamais qui l’on va rencontrer. Et pourquoi faire ? Pour quoi subir ? rectifie Binh-Dû qui s’imagine parfois que ses propres détestations ne sont pas de son fait. Entre les zombies, les crétins hostiles et les exploiteurs cyniques, il a le choix des paranoïas.