lundi 9 avril 2018

9 avril


La terre est craquelée par manque de pluie, si Binh-Dû focalise son regard à ses pieds il peut se croire en Afrique. Un VTTiste le frôle en ahanant, courbé sur sa machine. Sur les pistes du Dakar il n’y aurait eu aucun survivant. Plus le VTTiste s’éloigne, plus il ressemble à un zébu bossu (Binh-Dû plisse les yeux face au soleil).
Les arbres laissent encore filtrer les rayons obliques, de jour en jour leur feuillage s’épaissit. Ce déploiement végétal est presque imperceptible à l’œil nu, mais on peut le respirer. Surtout à l’approche du soir, la nuit même est enivrante, et à l’aurore ? À l’aurore, Binh-Dû dort. On n’en est pas là. Il se dirige vers le palais de marbre rose.
Tant de beauté créée par de si odieux personnages. Deux couples élancés le précèdent à présent dans la rue. Ils sont grands d’être bien nés (dit-on). Bien nourris, bien vêtus. L’une des femmes balance les épaules en marchant, lentement, en parfaite synchronisation avec ses hanches. Maîtresse d’elle-même. Binh-Dû en tomberait amoureux.
Comme de cette fille à l’époque du collège dont la nuque exposée était un paysage de steppe où elle-même était léopard femelle. Ce n’était pas sexuel, c’était corporel. La lune est pleine avant même que l’obscurité soit faite. Où que Binh-Dû se tourne, elle lui indique la direction. Il vient de comprendre le secret de la Joconde.