dimanche 8 avril 2018

8 avril


Binh-Dû aimerait que rien ne disparaisse jamais de ce qui lui plaît. Souhait immature, il en est conscient. Les publicités promettent de l’illusion à crédit, un perpétuel renouvellement de l’éternité. On veut les croire, tous autant que nous sommes, à des degrés divers, comme en un dieu susceptible, ou un sorcier imprévisible. Internet est devenu dieu sorcier, mais dans la toile sans cesse plus étendue à mesure que s’expand l’univers sont dissimulés des trous noirs. Par où se réaffirme la mortalité.

Déjà deux moustiques s’en viennent vrombir entre les quatre murs de Binh-Dû. Ils sont en avance, non ? Il laisse les fenêtres ouvertes la nuit, il a trop chaud sous la couette. Une révolution orbitale a été rondement menée, une fois de plus, pour aboutir à ces retrouvailles : bientôt mai, l’été, les vacances... Avant d’envisager à nouveau l’automne. Binh-Dû pourrait s’offrir aux piqûres mais pour cela il lui faudrait être mature. En deux précis claquements de mains il retarde la progression du temps.

Car distinguer la sensibilité de la sensiblerie n’est pas seulement une prise de position esthétique. Que se passe-t-il lorsque Binh-Dû pleure devant les vrais-semblants d’une actrice de cinéma, est-ce regret des amours perdues, gratitude non moins éperdue, reconnaissance de fraternité ? Ou bien est-ce de plaisir comme un impromptu sanglot de jouissance ? Et pourquoi essuie-t-il ses yeux d’un revers de main, pourquoi cette défiance face au jugement qui pourrait germer d’un épanchement de tendresse lacrymale ?