lundi 26 mars 2018

26 mars


Il n’y a pas que le cerisier qui s’empétale à vue d’œil, tous les arbres et arbustes se hâtent de changer d’allure. Binh-Dû accélère lui aussi, bien que le double-vitrage rende sa fenêtre opaque aux voisins lorsqu’il enfile son pantalon. Au-dehors les parfums s’intensifient dans le souvenir du printemps précédent, à chaque fois un étonnement : que la douceur revienne, et sa suavité aux narines. À la campagne, cette sensation confinerait à l’ivresse. En ville subsiste un malgré tout. Les diesels continuent à tuer mais, passant sous un amandier, on croit inhaler un esprit de jouvence. Binh-Dû choisit ses trottoirs en fonction de leurs frondaisons et du sens du vent. Il évite la proximité du chantier d’une résidence tout confort, d’où s’échappe le souffle délétère du béton froid. Il retient sa respiration au passage des sorties de parkings souterrains. Il rebrousse chemin quand apparaît devant ses pas une grille d’évacuation du métro. Au fond, il n’est pas si pressé. Une mésange bleue lance un chant puissant depuis le jardin public qui gravit la butte vers les hautes tours, tous les canaris en cage aux alentours doivent l’entendre. Binh-Dû atteint sa voiture, il s’y enferme ; son pot crache un hoquet puant.